Aujourd’hui je suis invitée à la Conférence de Presse de l’expo de Joann Sfar et Salvador Dali, « Une seconde avant l’éveil ».
Dans mon vrai travail, je suis souvent invitée à des conférences de presse, qu’on appelle dans le jargon des conf’ de presse. Me voilà donc le 8 septembre 2016 sur mon scooter à la recherche de l’espace Dali qui est bourgeoisement niché tout en haut de la Butte Montmartre. Je passe la porte à 15h10 après avoir tourné en rond et m’être perdue plusieurs fois, j’ai chaud, j’ai peur et je suis très curieuse de voir l’expo. Dans mon sac, j’ai 2 fanzines formidables que je voudrais montrer / donner à Joann Sfar, je voudrais échanger avec lui en direct, je voudrais qu’il me dise « c’est super, j’aime beaucoup ce que vous faites, on en reparle? Tenez-voici mon email, j’vais vous présenter Riad et toute la bande de l’association ».
Retour au réel. La conf’ a commencé, la salle est pleine, on est en sous-sol, il fait une chaleur de gueux et je reste sur le pas de la porte avec mon carnet et mon crayon. Joann Sfar est à l’autre bout, il parle. Il parle et bizarrement, je ne comprends pas de quoi il parle. Et là je me dis « Putain Berkou, vas-y accroches-toi, ok le mec a fait philo, ok le mec a fait Sciences PO, mais putain Berkou tu dois faire pas 1 mais 2 papiers sur le sujet ». Eh oui, un pour le blog, l’autre pour « mon vrai travail ».
Alors, l’expo s’appelle « Une seconde avant l’éveil ». En gros, c’est la rencontre de Dali, Joann Sfar et Elsa Schiaparelli. Il y a bien entendu une BD, qui raconte l’histoire de Seaberstein qui s’enferme avec 4 mannequins à poils pour les dessiner alors qu’elles reproduisent des oeuvres de Dali avec leurs corps, et puis à la fin, elles s’habillent avec des robes haute couture de chez Schiaparelli et elles portent mieux qu’avant. Donc pour en revenir à l’expo, ce sont les dessins originaux de cette BD + des oeuvres de Dali… Bon ok je suis nulle pour expliquer… et puis merde, c’est hyper bien dit sur le site.
Joann Sfar, punchlines et +
Peut-être le saviez-vous mais moi je le découvre: Joann Sfar est ULTRA bavard et quand il répond à une question, il répond aussi aux suivantes. C’est pas une critique hein, il le dit lui-même !
Voici ce que j’ai entendu à la conf’:
- « Dali a envie de ne pas faire l’amour. »
Où l’art de la négation, façon philo, ça commence bien. - « J’aimerais qu’on dise que c’est le plus pudique de mes ouvrages ». Oui ça on comprend bien, quand on dessine du nu, que la pudeur est ailleurs.
- « J’ai passé un an à dessiner des oeuvres que je connaissais depuis toujours et c’est seulement là qu’elles m’ont émue. »
- « La confiscation du sacré par Dali, c’était urgent. » Dieu, le retour.
- « La BD est un art de la reproduction. » C’est pas faux.
- « Pendant 20 ans j’ai refusé d’exposer et de vendre mes originaux. Je n’avais pas besoin d’argent. Et puis j’ai divorcé. » C’est un rigolo Joann.
Et puis soudain, quelqu’un à pose la question de la couleur. C’est vrai ça, les dessins de l’expo sont en noir et blanc mais la BD est en couleur. En fait il travaille depuis trente ans avec la même coloriste Brigitte Findakly. Il dessine pour que ses dessins soient colorés et il aime le regard et l’action d’un autre artiste sur son travail. Il ajoute, que sans la couleur, ses bd ne seraient pas aussi lisibles. Et pourquoi pas tenter de faire du noir et blanc? Et bien en fait il admet que les BD en couleur se vendent 8 fois plus, du coup…
STOP
Je fais un aparté pour faire mon coming out. Avant de savoir que j’allais peut-être le rencontrer, je n’avais jamais lu Joann Sfar. Et vous savez pourquoi ? Malgré, les articles dans la presse, son film sur Gainsbourg que j’ai aimé, mes amis qui le like à mort sur facebook, je n’ai jamais accroché aux couvertures de ses livres et vous savez pourquoi À CAUSE DE LA COULEUR. Je trouve les couleurs de ses livres À CHIER et je demande pardon à tous ceux qui aiment, pardon à Brigitte aussi mais moi j’aime pas. Fin de l’aparté.
- « Je dessine 12h par jour. Le matin je me lève, je me mets de la musique fort dans les oreilles et je commence par écrire 17 pages ( toujours 17), puis je dessine jusqu’à la nuit. Quand je travaille, je travaille beaucoup et quand je ne fais rien, je ne fais rien. »
_Avec mon rythme actuel, pour faire 1 seul de ses bouquins, il me faudrait environ 15ans._ - « J’adore Le tarot de Marseille. Je tire beaucoup les cartes, je ne vois pas ça comme de la magie mais de la dramaturgie. Vous savez d’où vient le tarot ? Au Moyen-Age, un croisé voulait apprendre la Kabbale, il a demandé à un rabbin de l’aider. Pour éviter d’avoir des ennuis, le rabbin lui a dessiné 22 lettres avec 22 images. c’est un peu de la BD le tarot. »
- « Il ne faut pas croire ce que je raconte, on m’a arnaqué très tôt et il m’a paru essentiel d’apprendre à arnaquer les autres. Il ne faut pas croire tout ce que je raconte.« Ben merde, nous voilà bien, j’me dis.
Par moments je décroche, c’est vrai.
- « Je devais faire la suite du chat du rabbin, mais avec le climat actuel, mes vannes seront incomprises. Donc, je vais faire un break et retourner aux livres pour enfants pour un temps. »
- « On va quand même tourner le Chat du Rabbin en film avec Christian Clavier dans le rôle du rabbin. » Là je me demande sincèrement si c’était une blague, mais on dirait que non.
- « Je ne serai jamais satisfait de mes dessins ! »
Je vous épargne toutes les digressions sur le burkini, les Beaux-Arts (où il va enseigner cette année), la société, l’amour et la mort.
Allez-voir l’expo, elle est chouette !
Pourquoi ? Parce que les planche de Joann Sfar sont supers en noir et blanc, parce que la scénographie est bath, parce que se rendre à l’Espace Dali, c’est revenir à l’état de touriste et ça fait du bien.
Epilogue
À la fin de la conf’ j’attends un peu comme ça, l’air de rien. Je le vois qui tente de fuir par un escalier dérobé et alors que je m’apprête à le poursuivre une petite vieille dame toute mignonne lui demande un autographe. Il est embêté, il est pressé, il cherche un stylo. Le pauvre il ne sait pas que cette petite dame qui était juste à côté de moi, a passé son temps à pester, en lâchant quelques « pff n’importe quoi ! » pendant toute la conf’. Finalement, il lui signe son truc et j’en profite pour le devancer dans l’escalier. Il est derrière moi, il faut juste que je me retourne et que je lui dise « Bonjour, vous avez une seconde à m’accorder pour un jeune collectif de BD? ». J’arrive en haut, je lui tiens la porte qui mène à la sortie , il dit merci et je le vois partir presque en courant vers je-ne sais où. Comment peut-on être aussi nouille ? Je me le demande encore. En même temps, il avait l’air vraiment pressé. N’y pensons plus et retournons lire Joann Sfar parce qu’en fait, j’aime bien ce qu’il raconte.
Expo Joann Sfar Salvador Dali
Espace Dali (18e)
jusqu’au 31 mars. +d’infos
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